De l'usage de l'écrit en milieu numérique

Les 31 mars et 1er avril prochains, je vais participer à une série d’ateliers autour de l’écriture. La question principale de mon intervention est la suivante : comment l’auteur peut-il utiliser le numérique ?

Je suis encore en train de rassembler mes idées. Le numérique, c’est vaste, comme concept. Quelles en sont les limites ? Eh bien… les rentrées financières sont souvent minces. Une présence en ligne ne résout pas forcément l’équation qui convertit le trafic en monnaie sonnante et trébuchante. Il faut faire attention à ne pas se perdre dans la technologie. La tentation de la procrastination est grande face à son ordinateur. Les avantages de l’interface numérique ? C’est pas cher. C’est immédiat. Les ressources du web sont quasi-infinies.

Un des objectifs de ces ateliers est de réfléchir aux rencontres entre un auteur et un public de jeunes. Peut-on rencontrer un auteur via le numérique ? Comment ? Par e-mail ? En laissant des commentaires sur son blog ? En dialoguant sur un forum ? En échangeant sur les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter ? Une rencontre de ce type dans le cadre d’un atelier d’écriture est-elle satisfaisante ? À titre personnel, je suis tenté de répondre « pourquoi pas ? ». En effet, un auteur peut travailler en ligne, alors il peut donc échanger en ligne. Il faut juste adapter l’atelier et son déroulement qui nécessitera l’implication sérieuse du prof qui fera l’interface.

Qu’est-ce que ce médium peut apporter de nouveau sur le plan de la création ? De nouveaux formats ? De nouveaux supports comme le téléphone, la tablette de lecture, le livre électronique, la balado-diffusion… Ces nouveaux supports et ces nouveaux formats vont-ils induire de nouvelles façons de créer ? Et quelle sera la nouveauté sur le plan des ateliers d’éducation artistique ? Aura-t-on des échanges quotidiens personnalisés ?

Pour ma part, je me sers des outils numériques à fin de création, de collaboration et de promotion. Dans mon travail de création, je compte la veille que je réalise grâce à Netvibes, mon agrégateur de flux RSS favori. Je surveille le marché pour connaître les tendances (pas la peine de bosser comme un fou sur un projet qui n’a aucune chance d’intéresser un éditeur qui paye). Eh oui, désolé, j’ai besoin de manger, moi aussi.

Cette veille, disais-je, me permet donc de suivre les sorties BD dans les créneaux qui m’intéressent (par exemple, les comics US, la SF, le football, les vampires). Au-delà de la surveillance du marché, je surveille toute la planète via une foule de flux RSS issus de différentes sources d’information (journaux, blogs, podcasts). Tel Ozymandias dans Watchmen, devant son mur d’écrans TV, je baigne dans un flot de données ininterrompu. Le secret, c’est de savoir choisir les bons flux RSS et les bons widgets. Et de les organiser correctement dans Netvibes ou Google Reader.

D’où viennent les idées d’un scénariste ? Je ne sais pas. Mais si une idée est comme une perle, on peut en fabriquer artificiellement. Les anecdotes journalistiques piochées au hasard des nouvelles mondiales feront d’excellents grains de sable sur lesquels cristalliseront mes idées d’histoires.

Le numérique permet également de simplifier le travail collaboratif. Travailler en équipe sur un projet n’a jamais été aussi simple. Surtout si vous habitez à des dizaines de kilomètres de vos collègues, voire des centaines. Une BD ne se fabrique pas toute seule. Chez MAKMA, nous faisons appel à toute une équipe : scénariste, dessinateur, coloriste, lettreur. Et bien souvent, l’œuvre avance sous les yeux de l’éditeur lui-même.

Au-delà de l’e-mail qui reste l’outil de base de nos collaborations virtuelles, il existe d’autres moyens que la technologie met à notre disposition. La suite Google nous offre un calendrier à partager redoutablement efficace. On peut également travailler à plusieurs sur des documents communs, de type texte ou tableau. Enfin, arme ultime du créatif, la carte heuristique reste une méthode privilégiée pour générer et faire vivre des idées. Pour ça, le logiciel Mindmeister propose une offre gratuite en ligne. C’est avec lui que j’ai commencé !

La présence d’un auteur en ligne est aussi un excellent moyen de promouvoir son travail. Voire de le faire découvrir (lire). J’ai écrit plus de 200 planches du webcomic Urban Rivals et j’espère bien que ce corpus permettra à la BD cartonnée prévue pour la rentrée 2011 de trouver son public dès sa sortie !

Urban Rivals

La prépublication en ligne est une solution peu onéreuse de donner un aperçu de sa BD aux lecteurs indécis. Pour cela, il existe des dispositifs de lecture intégrés (je pense au player de Digibidi, par exemple) mais on peut se contenter d’une suite d’images JPG ou d’un bon vieux fichier PDF.

Quelle utilisation d’un blog pour l’auteur ? Je suppose que chacun voit midi à sa porte. J’ai choisi de me servir d’EFDLT pour expliquer mon travail, exposer des idées (pas forcément les miennes), défendre un point de vue. Pour l’auteur publié, c’est une bonne vitrine pour parler de ses sorties en librairie ou pour annoncer une séance de dédicace. Le blog est plus visible que Facebook, par exemple, qui touche un réseau informel intéressant (famille, amis, réseau pro, etc.) mais qui se limite exclusivement aux gens qui sont effectivement inscrits sur ce réseau social.

Twitter est un vecteur idéal pour partager des liens ou donner des infos très brèves. Je l’utilise quasi exclusivement pour communiquer autour de mon métier de raconteur d’histoire. Je suis persuadé que c’est un bon moyen de renforcer sa réputation. Alors, je renforce la mienne, hein ?

Moins à la mode que les deux réseaux cités plus haut, il ne faut pas oublier les forums spécialisés. Je pense notamment à Superpouvoir.com qui me permet d’échanger avec mes lecteurs (qui lisent surtout mes traductions de comics américains, en fait, mais c’est toujours bon à prendre). S’intégrer à un forum de ce type, c’est participer à une communauté culturelle. On apprend, on partage, on se passionne, on découvre…

Toutes ces plates-formes virtuelles permettent de tisser une jolie toile reliant professionnels du milieu, collègues bédéastes, éditeurs, libraires, lecteurs privilégiés, organisateurs d’événements, etc. Si Internet a démocratisé une pratique, c’est bien celle du réseautage !